« Vaccins-tueurs » : Sigmund, au secours !
Nous vivons une époque passionnante. Pas un jour ne se passe sans qu’une nouvelle théorie conspirationniste ou ‘complotiste’ ne se fasse jour qui, s’amalgamant de faits réels, se répand aussitôt sur le monde, irrésistible comme un incendie d’été.
La dernière en date de ces théories se fonde sur l’accroissement du nombre de morts constaté en 2021, à des degrés divers, dans les pays occidentaux, au delà des morts du COVID. Sur la foi de ce constat, deux ‘explications’ sont proposées.
La première est que les vaccins anti-COVID tuent des millions de gens. C’est une théorie formulée, sous divers prétextes, depuis deux ans, et qui le fut d’abord sous forme prédictive, c’est-à-dire avant même qu’aucun vaccin n’ait été mis sur le marché.
La seconde est que les mesures réglementaires anti-COVID — non le COVID — sont la cause de cette augmentation des décès, notamment en restreignant l’accès aux hôpitaux.
On trouve un exemple de ces ‘théories’ dans cet article de l’institut des Libertés (ici et là), et dans cet article du média américain PJ Media (par ailleurs de qualité).
L’article de l’institut des Libertés, titré ‘Une erreur criminelle’, taxe les autorités françaises d’avoir du « sang sur les mains », avec cette violence de ton désormais caractéristique mais qui n’en reste pas moins déplorable. Prétendant constater une surmortalité de +30% en Allemagne, l’article IDL élabore : ‘il reste une explication. L’explication auquel (sic) j’imagine que le lecteur suivant un peu le sport aura peut-être pensé suite à la crise cardiaque de Sergio Aguero du FC Barcelone, ou celle du Danois Christian Eriksen lors de l’Euro 2020, ou celle de Charlie Wyke du Wigan FC, ou celle de Adama Traore lors du match du Tirana FC contre le Real Madrid, ou celle de John Fleck du Sheffield FC, et encore ce weekend celle de Victor Lindelof de Manchester United… la possibilité que peut-être les vaccins MRNA anti-Covid ont des effets secondaires nocifs pour certains. Et évidemment, si c’est le cas, les hommes et femmes politiques qui ont forcés leurs populations à se faire vacciner auraient encore plus de sang sur les mains.’
Comme Freud face à l’hystérie aux dix-neuvième et vingtième siècles, on doit revenir humblement aux faits pour se dépêtrer des théories délirantes.
Analysons d’abord le constat selon lequel on assiste à une augmentation effroyable de la mortalité dans les pays occidentaux.
Prenons le cas de la Belgique, pays de vieille tradition statistique, qui possède et publie, dans un délai record, des statistiques sur à peu près tout.
Commençons, avant de regarder 2021, par rappeler les chiffres de 2020.
En Belgique, l’augmentation de la mortalité en 2020 est substantielle. Cette augmentation est imputable au COVID, selon les données hospitalières agrégées. 122.408 décès en 2020, contre 106.801 en 2018. 19.620 personnes décédées du COVID en 2020.
Que nous disent les chiffres belges de la mortalité, pour 2021 ?
Les chiffres de 2021 sont dans la droite ligne de 2018 (avant le COVID et les mesures anti-COVID, donc), avec une augmentation de …1,1%. 108.053 morts en 2021 contre 106.801 en 2018. En 2021, 8 527 victimes du COVID ont été enregistrées par les hôpitaux belges.
Voici les courbes de mortalité belges, comparées sur 5 ans :
On le constate : la seule vraie anomalie se situe en 2020. On est donc loin, très loin, mais très très loin, de l’augmentation de 40% diagnostiquée par des medias américains tels PJ Media et des +30% constatés par l’institut des Libertés pour Allemagne.
Regardons de plus près le cas brandi par l’institut des Libertés : l’Allemagne. Contrairement à la Belgique, la plus lente Allemagne n’a pas encore publié ses chiffres agrégés pour 2021. Toutefois, les chiffres pour les onze premiers mois 2021, quant eux, sont disponibles. Ils indiquent, pour 2021, une surmortalité de …6% par rapport à la moyenne 2017–2020 :
En France, selon les dernières données disponibles, la surmortalité 2021 devrait être de l’ordre de 4% (par comparaison avec 2019) et se situer entre les chiffres belges (1%, sur 2018) et allemands (6%, sur la moyenne 2017–2020). Quant aux données européennes agrégées, on se reportera à Eurostats.
En résumé, si la totalité des données statistiques disponibles en Europe attestent de la surmortalité COVID en 2020 et, dans une moindre mesure, en 2021, l’Himalaya statistique de surmortalité inexpliquée « constaté » par nos plaisantins n’existe pas en tant que généralité statistique probante en Occident.
Mais supposons, pour le plaisir de raisonner, que cet Himalaya morbide existe bel et bien. Pourrait-on conclure — ou même laisser entendre, subodorer — comme le font nos amis, que les vaccins tuent ? D’un strict point de vue rationnel, logique, causal ?
La réponse à cette question est bien évidemment négative, par deux motifs, chacun décisif :
1/ Si les vaccins ‘tuaient’ en effet, et massivement, vu que ce sont les mêmes vaccins en Belgique que partout en Occident, un enfant de 5 ans comprend que le même Himalaya cadavérique devrait se déplorer en Belgique, dont la distribution démographique est sensiblement comparable à celle de ses voisins, qu’en Allemagne. Si le vaccin Pfizer tuait les Allemands, on se demande bien par quel miracle du Saint-Esprit il laisserait indemnes les Belges — certes très vigoureux — d’autant que la campagne belge de vaccination fut plus précoce et large que l’allemande ;
2/ Jamais un virus, jamais des vaccins n’ont été aussi patiemment analysés, disséqués, observés, critiqués que ne le sont le virus de Wuhan, dans ses différents variants, et les vaccins mis en œuvre pour le contrer. Ainsi la remarquable efficacité des vaccins occidentaux, quand il s’agit de casser la séquence contamination->hospitalisation->USI/ICU est-elle la mieux documentée de l’histoire de la science. Ainsi les effets décevants de ces mêmes vaccins anti-COVID en termes de réduction des contaminations, et dans le temps, sont-ils tout aussi bien documentés, sur la foi de milliards de données agrégées publiées séparément par 200 pays dans le monde. En revanche, il n’existe aucune — pas une, zéro, nada — publication scientifique rationnelle et protocolée qui atteste du fait que les vaccins anti-COVID tuent, ont tué, a fortiori vont tuer des millions, des dizaines de millions de personnes. Néant.
En vertu de quoi, même s’il existait en 2021 une augmentation vertigineuse de la mortalité non imputable au COVID — quod non — aucun esprit décent ne se permettrait de l’imputer aux vaccins anti-COVID, fût-ce sous la forme hypothétique.
L’ennui est que ces gribouilles statistiques nous détournent de la responsabilité du régime totalitaire chinois dans cette peste jetée sur le monde, qui a tué des millions de gens, en a envoyé des dizaines de millions à l’hôpital, paralysant partiellement les systèmes de santé et l’économie mondiale pendant deux ans.
Posséder des intérêts en Chine n’interdit pas de se montrer sensible à cette réalité.
Drieu Godefridi, PhD, 4 janvier 2021