Le « triomphe romain » de Jean-Luc Crucke

Drieu Godefridi
3 min readJan 11, 2022

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Dans la Rome impériale, le général rentrant d’une campagne victorieuse se voyait offrir un « triumphus » (triomphe), célébration publique durant laquelle ses mérites étaient vantés et qui le voyait haranguer la foule des citoyens, glorifiant ses exploits et les hauts faits de sa campagne. Jusqu’à l’ovatio, puis un sacrifice en l’honneur de l’une des trois divinités de la Triade du Capitole, Jupiter Capitolin. Symboliquement, le triumphus marquait le retour à la vie civile du général victorieux.

C’est un triomphe romain médiatique que vient de s’offrir Jean-Luc Crucke, à l’occasion de son départ du gouvernement wallon, se tressant lui-même les épaisses couronnes de laurier doré qui lui paraissent si manifestement convenir, s’auto-ovationnant pour ses succès incommensurables et lâchant avec superbe que ce sont d’aussi médiocres que mystérieuses « questions d’hommes » qui le renvoient à la vie civile, tel Cincinnatus retournant volontairement au labeur de ses champs, oint de la gloire de ses prouesses.

À y regarder de près, l’auto-triomphe de Monsieur Crucke surprend.

Rappelons qu’au gouvernement wallon, Monsieur Crucke était en charge du budget. Entrant en fonction, tel César contemplant la carte des Gaules, Crucke avait malement annoncé la remise en ordre des finances wallonnes, comme on réorganise les manipules d’une légion. Au pied du mur (de la dette), il avait ensuite annoncé plus modestement que le processus de remise en ordre était en cours (« ça commence aujourd’hui »). Tout récemment, Monsieur Crucke confessait que les finances wallonnes ne sont absolument pas sous contrôle, en constatant la nécessité d’économies mais sans en formuler aucune.

Veni, vidi, reparti.

Le vrai est que la Région wallonne court plus vite que jamais vers le précipice des 200% de dette en PIB, record européen (sic) qui la mettra ipso facto sous la coupe de la Flandre, de la France ou du FMI.

Du point de vue de la substance de la fonction pour laquelle le contribuable le rémunérait — Ministre du Budget — l’échec de Monsieur Crucke est total, patent et sans appel.

Il est vrai que, par ailleurs, l’empereur Jean-Luc possède à son actif une étonnante « victoire » (pour les idées de la gauche radicale) : fomenter, dans le dos de son parti et de ses collègues MR du gouvernement wallon, un décret fiscal qui impacte massivement ce qui reste de classe en moyenne en Wallonie — l’électorat MR — en contravention des idées et volonté de la fraction MR du Parlement wallon.

Le public ne perçoit pas toujours, dans l’épaisse fumée des éloges et, in casu, des auto-éloges qui saluent la fin d’une carrière politique — le fracas du triomphe — la réalité des faits.

Le vrai, sans qu’il faille donner dans le sarcasme ni l’outrance, est que le départ de Monsieur Crucke, figure d’un étonnant « libéralisme » qui se voulait si proche des écologistes et de l’écologie politique, est une débâcle politique, parlementaire, idéologique et personnelle. Ainsi qu’une victoire pour le jeune président du MR qui évince, avec élégance, un ministre sans bilan, tout en menaces, imprécations et déclarations grandiloquentes, entré en résistance contre les idées de son propre parti. Les touchants hommages que rendent sur Twitter les écologistes les plus radicaux à la carrière et aux idées de « Jean-Luc » parlent d’eux-mêmes:

César, traversant le Rubicon, glisse et tombe dans le Rubicon avant d’abandonner son poste pour aller se sécher au coin du feu paisible de la Cour constitutionnelle.

Triomphe romain, en vérité !

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