Drieu Godefridi :“Le public européen a été parfaitement dressé à haïr, mépriser et redouter la figure de Trump.”

Drieu Godefridi
10 min readMar 25, 2018

Interview.

La révolution Trump

Docteur en philosophie (Sorbonne), juriste, investisseur, Drieu Godefridi est l’un des chefs de file de l’école libérale contemporaine.

Il a publié La révolution Trump, aux éditions Texquis.

Il y dresse un bilan positif de la première année de mandat de Trump. Son texte, clair et argumenté, se distingue du brouhaha dominant anti-Trump.

Propos recueillis par Sylvie Perez, journaliste.

Sylvie Perez. Dans votre essai, vous vous penchez sur la première année d’exercice du pouvoir par Donald Trump. À la différence de tous les analystes politiques, pas un mot sur la coiffure du 45ème président des Etats-Unis. Pourquoi ?

Drieu Godefridi. Trump étant un homme blanc, qui plus est milliardaire et de droite, il n’existe virtuellement aucune limite ni réserve à ce qui peut en être dit, y compris sur le plan esthétique. Lors qu’aucun commentaire sur la beauté de Madame May, au Royaume Uni, ou la posture gracieuse de Mme Macron, n’est concevable, le bar est ouvert dès qu’il s’agit d’un Trump. En un sens, c’est plutôt rafraîchissant. Rien ne vaut la liberté d’expression qui comporte, par définition, celle de dire des choses odieuses, scandaleuses et sans le moindre intérêt.

Lorsque vous rédigez ce livre, en décembre 2017, c’est pour combler un déficit d’information ?

C’est pour répondre à une sorte de besoin impérieux que connaissent la plupart des auteurs : vient un moment, lorsque vous maîtrisez un sujet et que 90% des commentaires que vous lisez sont fondés sur des erreurs factuelles et d’analyse, il faut le dire, le clamer ou l’écrire. J’ai rédigé les 80 pages de cet essai (version papier) en très exatement 24 heures, d’une traite et sans note.

Avec Trump, la soumission occidentale aux exigences exorbitantes de l’islam, c’est terminé.

Au fond, est-ce qu’on était mieux informés sur Obama ? On a beaucoup répété qu’il était Noir, élégant, spirituel, basketteur, au détriment d’une analyse de sa politique. Vous dites d’Obama qu’il est un “président européen”. Pourquoi ? Obama a été élu deux fois. Il a bien fallu que l’Amérique vote pour lui.

Obama était à maints égards l’anti-Trump : relativement jeune, Noir -de mère blanche, mais passons- immédiatement adopté par l’ensemble de la presse de gauche, soit l’écrasante majorité des médias traditionnels, en Europe comme aux Etats-Unis. Européen, Obama l’était d’abord et avant tout par sa vision du monde, faite d’un empilement toujours plus étouffant de normes qui briment jusqu’au détail de nos vies, de l’accroissemement sans limite de l’impôt sous toutes ses formes, bref la socialisation progressive de notre civilisation, qu’avaient annoncée Marx comme Schumpeter. L’Obamacare était l’une des pièces essentielles de ce dispositif d’européanisation -terme à prendre dans un sens évidemment non racial- de l’Amérique. Car avec le Medicaid et le Medicare, l’Obamacare faisait rien moins qu’une Sécurité sociale de facture européenne.

Dès la campagne présidentielle de 2016, vous observez que les médias ne prennent pas au sérieux les propos du candidat Trump, ce qui les empêchera de voir venir sa victoire. En somme, dès le début, ça s’emmanche mal, comme s’il y avait de la part des commentateurs, un refus d’observer qui est Trump.

La presse traditionnelle souffre de consanguinité : à force de se répéter les uns les autres, les journalistes de gauche finissent par confondre leur vision extrêmement limitée et partiale du monde avec la réalité. Dans ce monde fantasmé, Trump est une anomalie. Il ne peut pas exister. Donc il doit disparaître. Ce sont les meilleures plumes de la presse anglo-saxonne qui, dès l’annonce de sa candidature en juin 2015, l’ont traité comme un moins que rien, un mélange nauséabond de “populisme”, de bêtise et de carences béantes de la personnalité, qui n’avait bien entendu aucune chance, Dieu merci ! d’accéder à la fonction suprême.

“Le public européen a été parfaitement dressé à haïr, mépriser et redouter la figure de Trump”, écrivez-vous. Comment expliquer que cela ait si bien fonctionné ?

Le public européen a besoin de nouveaux médias, pour se refaire à l’idée et la réalité d’une presse authentiquement pluraliste. Quand 99% des médias vous serinent le même discours pendant deux ans, il faut une sacrée personnalité et une solide formation intellectuelle pour ne pas se laisser influencer ! L’idéal restant de parler anglais, ce qui permet de s’abreuver à cette immense génération de nouveaux médias américains de droite (Drudge, Breitbart, Gateway Pundit, Daily Caller, Taki et mille autres) : là est la vraie diversité ! Ce qui distingue l’Europe des Etats-Unis n’est pas la gauche — elle est désormais aussi radicale des deux côtés de l’Atlantique, et sur les mêmes thématiques sinistrement identitaires — mais le fait qu’aux Etats-Unis, face à la gauche, se dresse une droite fière de ses valeurs !

On parle beaucoup des “fake news”. Avez-vous, concernant Trump, des exemples d’informations mensongères relayées par des supports de presse “sérieux” ? (hormis les pronostics erronés de défaite à l’élection ou d’écroulement de l’économie qui, pour être propagandistes, ne sont pas à proprement parler des fake news) ?

À ce jour, la cabale sur la collusion supposée de Trump et des Russes avant l’élection n’a pas accouché d’un seul élément matériel : not a shred of evidence, comme on dit anglais. Or, ce sont les moyens titanesques de ce que l’on appelle le “Deep State” — le renseignement : budget 100 milliards de dollars par an — et de la presse qui sont mis en œuvre à cette fin depuis deux ans ! Jusqu’à plus ample informé, tout cela n’aura été qu’une seule et même “fake news”. Autre exemple : le “dossier” constitué à charge de Trump par un ancien du MI6 britannique et financé par les Démocrates, est un tissu de mensonges dont l’amateurisme ferait rougir un stagiaire de la police municipale.

Si vous socialisez tous les risques, vous aurez le socialisme.

Trump est-il libéral ?

Assurément. On a un peu perdu en France le sens de ce mot, puisqu’ils sont nombeux, même à droite, à se persuader que la France crève d’être libérale (en 2018 !). Trump dérégule massivement. Depuis sa prise de fonction, on observe un ratio de 22 règles abrogées pour une instituée. Il vient de baisser tout aussi massivement les impôts -90% des Américains ont vu dès février leur salaire-poche augmenter- et tout cela relève en effet d’un pur libéralisme du meilleur aloi.

Sa réforme fiscale est-elle en dessous des promesses, concernant par exemple la diminution de l’impôt sur les sociétés (de 35% à 20%, au lieu des 15% annoncés) ?

À mon humble estime, il a été aussi loin qu’il était budgétairement possible d’aller. Ce sont des centaines d’entreprises qui ont déjà annoncé la mise en payement, suite au vote de ladite réforme, de primes substantielles à leurs travailleurs et des entreprises telles que Apple ont décidé de rapatrier les milliers de milliards de dollars qui “dormaient” hors du territoire américain. On ne mesure pas bien, en Europe, l’effet galvanisant sur l’économie américaine qu’aura nécessairement cette rapatriation massive de capitaux. Un effet déflatoire est en revanche à craindre pour l’économie européenne, qui voit ces capitaux lui échapper. Le mouvement était cependant prévisible et ceux qui ne s’en sont pas prémunis, en Europe, en seront pour leurs frais.

Trump veut des immigrés qui seront utiles à la société américaine, dont ils embrassent les valeurs.

Vous passez vite sur l’Obama care. Trump avait juré de le supprimer. La volonté de mettre en place un système de remboursement des soins n’est-elle pas légitime ? Et que reste-t-il aujourd’hui de l’Obama care ?

Rien de ce qui est humain n’est parfait. Si vous socialisez tous les risques, vous aurez le socialisme. La majorité des Américains refusent le socialisme et l’exemple de l’Europe socialisée ne leur fait pas envie : peut-on le leur reprocher ? De plus, le système Obamacare était affecté de vices propres, et de nombreux Américains ont vu leur prime mensuelle doubler d’une année à l’autre, parfois de mille ou deux mille dollars par mois ! Ce système vicié était condamné. Après l’abrogation par Trump de l’une de ses pièces-maîtresses (le “mandat individuel”, soit l’obligation de payer une pénalité en cas de refus d’entrer dans le système), sa disparition n’est qu’une question de temps.

À propos de l’ambassade américaine à Jérusalem, Trump a été accusé d’agiter le chiffon rouge. Vous soutenez que s’agissant de la politique américaine au Moyen Orient, Trump a une vision. Quelle est-elle ?

D’abord, que la soumission occidentale aux exigences exorbitantes de l’islam, c’est terminé. Ensuite qu’Israël est notre meilleur allié dans la région et que Jérusalem est sa capitale, ce qui est un fait. Des figures aussi absurdes et caricaturales que la soi-disant “ministre européenne des Affaires étrangères” Federica Mogherini peuvent geindre tant et plus, cela ne changera rien. Dans la région, les Européens ne représentent plus rien, si ce n’est un disributeur de billets pour des institutions liées aux terroristes, telle que l’Autorité palestinienne.

Ces dernières semaines, Trump a successivement remercié son secrétaire d’Etat Rex Tillerson et son conseiller à la sécurité nationale Herbert Raymond Mac Master. Qui a changé ? Trump ou son entourage ? A votre avis, quel est le sens de ce remaniement ?

Trump gère son “staff” comme il le faisait à la tête de son empire immobilier puis de la communication : en tirant le meilleur d’eux, n’hésitant pas à les mettre en concurrence et les remplaçant quand il estime qu’ils ont fait leur temps ou que certains conflits sont devenus insurmontables. C’est dur, exigeant pour les personnes concernées mais il ne faut y voir qu’une technique de management, qui a fait ses preuves.

Au chapitre de l’immigration, vous analysez l’action de Trump autour de trois éléments : rétablissement des frontières (le mur du Mexique), durcissement du droit d’asile (le muslim ban), fin du regroupement familial (suppression du DACA, ce statut accordé par Obama aux mineurs clandestins). Qu’obtiendra-t-il ?

Je crois qu’il ira aussi loin que le souhaitent les Américains. Immigration zéro ? Certes non, ça c’est le genre d’intention naïve que lui prêtent des journalistes mal informés. Ce que veulent Trump et de nombreux Américains c’est faire venir des gens qui seront utiles à la société américaine dont ils embrassent les valeurs. Au lieu de cette immigration sous-qualifiée, pafois haineuse des valeurs américaines, qui emprunte les voies actuelles de l’illégalité, de la “loterie” et du regroupement familial (“chain migration”). Sur ce dernier point, j’attire votre attention qu’il ne s’agit pas de DACA — c’est-à-dire les illégaux entrés comme enfants sur le territoire américain — mais de ce que nous appelons en Europe le regoupement familial. Trump a compris que, dans son principe, le regroupement familial est sans limite et comporte donc notionnellement l’abaissement des frontières nationales. “Pas de pays sans frontière”: voilà comment Trump conçoit la souveraineté, conformément à la tradition, d’Aristote à Bodin.

Votre essai s’intitule “La révolution Trump”. C’est un fait culturel, dites-vous. En quoi ?

Par sa personne autant que par ses idées, Trump est la négation absolue de tout ce que prêche la gauche occidentale, à commencer par le fait de considérer l’égalité réelle comme une valeur (qui est le critère anatomique universel du socialisme). Depuis juin 2015, Trump n’a pas prononcé ne serait-ce qu’une fois le mot inégalités. Les inégalités, il s’en accommode fort bien; ce qui l’intéresse est que les fruits de la croissance profitent davantage à la grande classe moyenne américaine : ses électeurs. Un objectif plus modeste que cette égalité funèbre que la gauche prêche depuis la révolution française.

Trump est-il populiste (si ce terme a encore un sens) ?

La gauche nomme populiste tout homme (femme, on se sent obligé de le préciser !) de droite qui entre en résonance avec nos peuples sur des thèmes de droite : liberté individuelle, prospérité, la loi et l’ordre. “Populiste” me semble un vocable sans dénotation précise, donc sans intérêt. Disons plutôt que Trump était assez populaire pour l’emporter dans l’écrasante majorité des Etats américains, et qu’il est indubitablement un libéral de droite, avec une forte connotation conservatrice en valeurs.

L’Accord de Paris est la version démente du tiers-mondisme.

Selon vous, Trump, non seulement est un excellent président des Etats-Unis, mais il sauvera l’Occident. Est-ce que vous n’allez pas un peu fort ?

En cassant le mécanisme de l’accord de Paris — qui, n’en déplaise à Macron, est irrémédiablement brisé — Trump nous préserve du transfert annuel de cent milliards de dollars des contribuables occidentaux vers les chefs d’Etat asiatiques et africains. Ce faisant, il n’a peut-être pas sauvé le monde, du moins nous rend-t-il un fieffé service. Je dis irrémédiablement brisé car, seuls, les Européens, dont les finances sont exsangues, n’ont pas les moyens de financer ce plus grand braquage de l’histoire, cette version démente du tiers-mondisme.

Est-ce que le fait d’avoir quitté les Accords de Paris n’est pas le péché originel qui nourrira l’anti-trumpisme pour l’éternité ?

Ou qui l’ennoblira pour l’éternité des siècles américains à venir ? L’histoire nous le dira ! Mais vu que ce sont les Américains, première puissance dans tous les domaines, qui vont écrire l’histoire du siècle ouvert, on a déjà une idée de son verdict !

Votre livre est très convaincant. On ne peut pas s’empêcher d’être déçu quand on voit Trump parler à la télévision. Des mots simples, des phrases plates répétées deux fois comme s’il s’adressait à des esprits faibles. C’est de la démagogie ?

Trump n’est certes pas un intellectuel, mais à le suivre depuis 3 ans je vous certifie qu’il est nettement plus intelligent et réfléchi que la plupart des créatures que je croise dans les couloirs de nos universités. Qu’il parle un langage compréhensible par chacun, qui peut le lui reprocher ? Ce qui m’a frappé, lors de la campagne, c’était plutôt la capacité de ce presque septuagénaire à enchaîner les meetings sous un soleil de plomb, à parler sans note sans jamais perdre le fil de ses discours, à enflammer ses auditoires tout en restant lui-même admirablement calme et maître de lui. Une école oratoire dont pas mal de politiques européens devraient s’inspirer, me semble-t-il !

Trump va-t-il se représenter en 2020 ? A-t-il des chances d’être réélu face à Oprah Winfrey ? Votre pronostic ?

Mon pronostic est qu’Oprah ne sera pas candidate et que les démocrates auront beaucoup de difficulté à se remettre d’ici 2020 de 2016.

La révolution Trump est l’un des 5 essais republiés dans le volume “Chimères : cinq essais sur la socialisation de l’Occident”, mars 2018.

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