Des écologistes occidentaux ont-ils été financés par le gouvernement de la Fédération de Russie?

Drieu Godefridi
5 min readMar 3, 2022

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Des organisations non gouvernementales (ONG) écologistes, des mouvements et partis écologistes occidentaux sont-ils depuis une dizaine d’années les collaborateurs objectifs du gouvernement de la Fédération de Russie, qui les finance ?

C’est le sens de l’intervention récente de Dominique Reynié, qui dirige la Fondation pour l’innovation politique (FONDAPOL) :

Ces allégations ne sont pas neuves.

L’agression barbare de l’Ukraine par la Fédération de Russie oblige à les mener jusqu’à leur terme.

Dans un article du 19 juin 2014, The Guardian citait le Secrétaire-général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen qui, déjà !, portait l’accusation suivante : ‘J’ai rencontré des alliés[1] qui peuvent rapporter que la Russie, dans le cadre de ses opérations sophistiquées d’information et de désinformation, s’est engagée activement auprès de soi-disant organisations non gouvernementales — des organisations environnementales travaillant contre le gaz de schiste — pour maintenir la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe importé’ :

Le sol européen regorge de gaz de roche-mère, qu’on appelle aussi gaz de schiste. La mise en exploitation de ces réserves de gaz européen aurait mécaniquement diminué les achats et la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe, en particulier son géant gazier GAZPROM. Il en va de même du nucléaire, qui offre aux Occidentaux une source d’énergie abondante non émettrice de CO2 et alternative au gaz russe.

D’où l’intérêt, pour le gouvernement russe, de monter une vaste campagne de désinformation contre le gaz de schiste et contre le nucléaire civil en Occident, en finançant massivement les groupes les mieux susceptibles de s’y opposer ‘naturellement’ : des organisations écologistes.

En 2016, Hillary Clinton relevait qu’alors qu’elle était Secrétaire d’Etat du gouvernement fédéral américain — avec accès direct à l’ensemble de ‘l’intelligence’ des agences de renseignement américaines — ‘Nous étions confrontés à de faux groupes environnementaux, et je suis un grand écologiste, mais ceux-ci étaient financés par les Russes…’:

Le 29 juin 2017, deux des parlementaires fédéraux américains les plus en ‘pointe’ sur les questions d’énergie adressaient un courrier au Secrétaire d’Etat au Trésor, exigeant l’ouverture d’une enquête sur le financement d’organisations écologistes américaines par le gouvernement de la Fédération de Russie:

Sans rapporter la preuve directe de l’origine initiale des fonds — ce n’est pas leur rôle — ces deux parlementaires en démontaient le mécanisme, qu’on peut résumer de la façon suivante :

Fonds du gouvernement de la Russie -> Société-écran ‘incorporée’ aux Bermudes -> Fondation américaine ‘matrice’ -> Organisations écologistes américaines

L’intérêt des Bermudes est que ce pays n’oblige en rien à révéler le fait que des fonds proviennent d’un gouvernement étranger, contrairement au droit américain. La fondation américain ‘matrice’ doit quant à elle révéler qu’elle a reçu des fonds de l’étranger — en l’occurrence une société des Bermudes. Rien de plus, ce qui est le principe et la définition du blanchiment d’argent.

Les organisations écologistes américaines spécifiées par l’accusation parlementaire sont parmi les principales, dont le Sierra Club, League of Conservation Voters Education Fund, etc. Toutes organisations massivement engagées contre l’exploitation du gaz de schiste aux État-Unis et qui ont perçu, au total, dix millions de dollars par an de la Fondation américaine ‘matrice’ richemment dotée par la société-écran sise aux Bermudes.

En Allemagne, il est établi que les principales organisations écologistes WWF, BUND et NABU ont créé une fondation ‘pour l’environnement’ avec l’entreprise Nord-Stream, qui est une émanation de GAZPROM. Cette fondation ‘environnementale’ fut dotée de 10 millions d’EUR par Gazprom (ces faits ne sont pas contestés et même revendiqués par Nord Stream/Gazprom). Ces organisations écologistes étaient, par ailleurs et dans le même temps, de farouches opposants au nucléaire civil allemand et à l’exploitation du gaz de schiste en Europe.

Fait intéressant, l’exemple que donnait le président de la Fondation pour l’innovation politique Dominique Reynié du mécanisme décrit par lui est celui de la Belgique. En effet, l’actuelle ministre fédérale belge de l’Energie, Christinne Van der Straeten, du parti écologiste GROEN, était avant son entrée en fonction co-propriétaire — associée à 50% — d’un cabinet d’avocats dont l’un des ‘gros’ clients n’était autre que GAZPROM, le géant gazier russe. Devenue ministre, la même Christinne Van der Straeten s’emploie depuis à démanteler intégralement le parc nucléaire civil belge, en conformité avec la volonté farouche des écologistes depuis près de vingt ans, pour lui substituer des centrales au gaz qui seront par nécessité approvisionnées, entre autres, par GAZPROM.

C’est bien sûr le nucléaire qui atteste le mieux de l’incompréhensible duplicité de certaines organisations écologistes. Tandis que ces organisations écologistes ne jurent constamment en toutes choses que par la réduction des émissions de CO2, ne les voit-on pas, quand il s’agit du nucléaire, exiger de remplacer une source d’énergie qui n’émet quasiment pas de CO2, par des énergies fossiles qui en émettent quarante fois plus ?!

Des accusations, fussent-elles signées du Secrétaire-général de l’OTAN, du directeur de la Fondation pour l’innovation politique et de la Secrétaire d’Etat des États-Unis, ne font pas la culpabilité. La présomption d’innocence vaut pour chacun.

L’agression barbare de l’Ukraine par la Russie, dont l’armée est très littéralement financée par des fonds européens — achat de gaz russe, 40% du gaz consommé en Europe — ne nous oblige-t-elle pas à jeter enfin la pleine lumière médiatique et judiciaire qui convient sur ces accusations concordantes ?

Drieu Godefridi est juriste (facultés Saint-Louis-Université de Louvain), philosophe (facultés Saint-Louis-Université de Louvain) et docteur en théorie du droit (Paris IV-Sorbonne).

[1] Par quoi le Secrétaire-général vise des Etats alliés au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord.

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